ÉDITORIAL

L’ENFANT ET LES TAUREAUX

L’un est arlésien. Alors que les rameaux de laurier bénis, ornés de fruits confits, commençaient à sécher, Pâques était là, signal du passage obligé et rituel, quel que soit le temps, des pantalons longs aux culottes courtes.

Son grand-père, qui fut facteur à Albaron, mais aussi gardien avec le célèbre " Plume ", lui avait raconté des histoires d’un pays étrange, pourtant tout proche, où s’ébattait " Crin Blanc ", surgissait la " bête du Vaccarès " et où un taureau pouvait s’appeler " Sanglier ". Voici le moment attendu où, placeur aux arènes, son aïeul le quillait sur une pierre du toril haut pour qu’il puisse assister au combat des toreros de l’immédiat après-guerre.

Quand il vit ses premiers taureaux emportés morts, il pensa qu’il était bien embêtant de mourir à quatre ans, à son âge, et de ne pas retrouver le soir ses pâturages et ses copains, mais il comprit vite qu’il était naturel et important de manger le taureau et, quitte à mourir, autant que ce fut en héros sous les bravos. Dès lors il garda sa compassion pour les agneaux et les porcelets, plus jeunes que lui, qu’il voyait partir pour l’abattoir, résignés et entassés dans des camions sinistres.

Les premières années de sa vie d’aficionado, il fut torerista (ce qui est la manière la plus immédiate et la moins élaborée d’aborder la corrida), et sa passion précoce lui permit de pénétrer dans la chambre mythique du Nord Pinus où reposait le grand Luis Miguel (DOMINGUIN pour les non-initiés), afin de quémander un précieux autographe. Plus tard, au collège Frédéric Mistral, ses professeurs, d’une grande modernité, n’éprouvaient aucune culpabilité de parler des taureaux : un demi-siècle plus tard, il conserve comme une relique un cahier d’écolier, décoré de cartes postales où les costumes de lumière brodés de fils dorés prenaient un relief avantageux.

Sous le préau, les récréations des lendemains de corrida étaient animées de tertulias improvisées, agrémentés de potins croustillants. Il garde encore le souvenir ému de " l’estocade à la CORDOBA " (Jésus pour les intimes) sous laquelle aurait succombé une célèbre aficionada arlésienne, subjuguée par les charmes du torero mexicain : les plus grands mimaient la suerte dans un déhanchement suggestif qui fit quelques années plus tard le succès du King Elvis. La tauromachie lui permettait ainsi de peaufiner son éducation sexuelle.

"Traumatisé" par ces épreuves initiatiques, qui le firent entrer très tôt dans le culte du taureau, qui en vaut bien un autre, voué à un comportement ultérieur sadique et pervers, contre toute attente, répondant à une vocation miraculeuse et impérieuse, il fait métier de soigner ses semblables.

 

L’autre est madrilène. Lorsqu’il foula pour la première fois le sable des arènes nîmoises, il avait un problème dentaire qui lui arrondissait la joue plus que d’ordinaire et lui donnait un air de chérubin. D’une voix infantile, il commandait pourtant ses vieux peones avec autorité.

Immédiatement, les âmes bien-pensantes se demandèrent si cet enfant n’était pas illégalement exploité, "à l’insu de son plein gré", et la police s’en mêla. On craignit un temps que son entourage –un père virevoltant dans le callejón, et une valse d’apoderodos- ne tuât la poule aux œufs d’or. Mais le niño sabio et ambitieux fit preuve de résistance pour devenir figura del toreo, riche et puissant. Certes passagèrement chagriné : les journaux people disent que, finalement, il n’épousera pas la fille DOMECQ. Souhaitons de tout cœur qu’il surmonte ce déboire sentimental.

Deux trajectoires, parmi bien d’autres, qui conduisirent deux enfants, mus par la même afición, l’un sur les tendidos pour son plaisir, l’autre dans le ruedo pour sa gloire. Est-il excessif de penser que le taureau est l’avenir de l’homme ?

Tournez la page : vous pourrez lire les commentaires sur ce sujet du professeur Charles AUSSILLOUX de la Faculté de Médecine de Montpellier, pédopsychiatre.

Robert RÉGAL.




LEXIQUE TAURIN

E comme: ESCUELA

Il est loin le temps où l’on opposait l’école rondeña, plus sobre, à l’école sevillana, plus allègre.

Aujourd’hui, le style des toreros (pour ceux qui en ont un) n’émane plus d’une tierra précise mais de la personnalité de chacun. Peut-être reste-t-il les "toreros de Madrid", souvent des segundos qui affrontent, hors feria, des toros que ne prisent pas les vedettes. Désormais les distinctions ne proviennent pas tant des hommes que des toros : il y a d’un côté les corridas dures et les belluaires, de l’autre les corridas "artistes" et les figuras. On ne se mélange plus, comme au temps de Joselito (le premier). C’est le matériel fourni qui impose le style.

Devenues de véritables établissements d’enseignement, les écoles taurines fleurissent. Bien du temps est passé depuis la première Escuela de Tauromaquia créée à Séville en 1830. Les jeunes apprentis sont maintenant d’emblée encadrés par des professeurs et franchissent sans surprise (s’ils ne sont pas trop mauvais) les divers échelons, parfois même jusqu’à l’alternative (mais la suite n’est pas assurée).

Exit les malletillas, les espontaneos. C’est pourquoi l’on dit que l’on n’a jamais aussi bien toréer qu’aujourd’hui… en moyenne. Le problème est que le métier de torero n’est pas un métier ordinaire, que l’on peut exercer honorablement, sans plus. Etre le premier de sa classe ne suffit même pas. Le spectacle tauromachique exige l’excellence. Inlassablement, l’aficionado attend l’oiseau rare, le messie qui annonce les jours nouveaux. Et il n’est pas certain qu’il sortira d’une école taurine.




La place des enfants comme spectateurs de la Corrida

Est-il nocif pour les enfants d’assister à une corrida ? En tant que psychiatre d’enfants, il ne m’est pas possible d’émettre un avis scientifique, c'est-à-dire fondé sur des résultats d’études menées sur des grands nombres de cas où l’on compare l’état de santé psychologique de groupes d’enfants selon qu’ils auraient ou non assisté à des corridas.

Jusqu’ici cette question ne m’avait jamais été posée, ce qui est un indice que sur ce point les parents ont des convictions et qu’ils croient savoir ce qu’il faut faire ! Je n’ai jamais rencontré en consultation un enfant pour lequel des troubles sont apparus à la suite d’une exposition à ces spectacles. Mais ceci ne veut rien dire au-delà de l’anecdote. Il faut donc se reporter aux connaissances plus larges que l’on peut avoir sur le traumatisme psychologique : celui-ci est le résultat d’une effraction dans le psychisme du sujet de stimulus –ce qu’il voit, ce qu’il entend- ou d’expériences – ce qu’il vit, ce qu’il ressent- qui débordent ses capacités de défense nécessaires au maintien de l’équilibre psychologique.

Lors de périodes de violences guerrières auxquelles assistent des enfants, le traumatisme psychique peut entraîner directement des troubles, en réaction à ce qu’ils voient et vivent : angoisses, troubles du sommeil ou de l’alimentation, isolement relationnel… D’autres fois, il n’y a pas apparemment de réaction immédiate, le traumatisme paraît refoulé dans l’Inconscient, mais, à l’occasion de tel ou tel événement ultérieur, il peut entraîner des troubles que l’on ne peut pas facilement relier à ce qui s’est passé antérieurement.

On a remarqué aussi que le retentissement d’un événement chez un enfant ne tient pas seulement aux caractères objectifs de celui-ci, mais au niveau de sécurité psychique que l’enfant a déjà acquis et à la façon dont les adultes en parlent et le présentent. Les éléments du traumatisme tiennent entre autres au caractère brusque et inattendu des stimulus, à l’atteinte ressentie à sa propre intégrité ou à son espace intime, à la menace sur des personnes proches ou avec lesquelles on peut s’identifier. Les composantes de violence et de cruauté sont des déterminants majeurs. La notion de cruauté n’est pas définie une fois pour toutes et dans toutes les situations. Elle est progressivement acquise par les jeunes enfants qui dans les premières années ne voient pas malice à torturer sauterelles et hannetons ou leur animal favori. Mais cette acquisition de la notion de cruauté repose sur les réactions et jugements des adultes, à partir de critères tels que l’inégalité entre les deux partenaires (mauvais traitements d’un adulte vis-à-vis d’un enfant) et de gratuité de la souffrance infligée (tuer un animal sans défense pour le plaisir et pas pour des fins alimentaires).

Ce sont en définitive les adultes qui entourent l’enfant, les pratiques culturelles acceptées dans un groupe qui donnent les limites entre acte de cruauté et acte légitimé par une finalité : un enfant élevé dans une ferme où l’on " tue le cochon " et un petit citadin ne sont pas impressionnés de la même manière par le sort final de l’animal !

Qu’en est-il dans la Corrida ? Il y a un combat violent et sanglant entre un homme et un animal. Celui-ci n’a pas de caractère anthropomorphique (type nounours) ou d’animal familier auxquels l’enfant peut prêter des caractéristiques qui le font ressembler à lui-même. Ce serait cruel, comme l’est souvent pour des amateurs d’équitation de manger du cheval. - Mais violence il y a !

Le traumatisme serait produit quand celle-ci n’est pas enchâssée dans une culture qui donne –de façon justifiée ou non- à ce combat un aspect de lutte contre un animal noble, sauvage, fier et combatif. Tout repose donc sur les capacités de l’entourage adulte à donner à l’enfant ce type de représentations qui rendent le spectacle du combat acceptable, vis-à-vis duquel on peut être actif, participant, en prenant le parti alternativement de l’un ou l’autre des combattants.

Si l’on accepte ce point de vue, c’est donner aux parents et à l’entourage proche une responsabilité d’assumer leur rôle éducatif, en écartant toutes les réactions qui seraient satisfaction de la pure violence et de la cruauté. C’est dans cette capacité des aficionados que l’enfant trouve la protection contre le traumatisme de la violence du combat. Se prononcer sur le fait que ceci est souhaitable ou pas ne relève pas de la science du psychiatre d’enfants, mais de ses choix et goûts personnels !

Charles AUSSILLOUX.

Pédopsychiatre,

Professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier.




LES IDÉES DE CANDIDE

Chaque année, au moment de l’Assemblée Générale de notre Association, nous discutons des actions à mener. N’ayant pas assisté à cette manifestation, je me permets de faire quelques propositions quant aux actions que l’ANDA pourrait initier :

1°) Organiser une campagne de récupération de matelas usagés. Pour quoi faire ? N’avez-vous pas remarqué que lorsque vous voyez des toros au campo soit "en vrai", soit à la télé, ils ont de belles armures bien effilées ? Et puis, lorsqu’ils foulent le sable des arènes, leurs cornes sont épointées. Les membres de l’UVTF l’ont constaté eux aussi et ils ont fait procéder à des analyses de cornes pour confirmer scientifiquement ce que nous voyons des gradins.
C’est que les corrales sont construits en béton et les toros qui tapent contre les parois abîment leurs cornes. D’où l’utilité des matelas pour tapisser les parois des corrales

2°) Adapter en BD, avec beaucoup d’images, le chapitre consacré à la pique de la "Tauromachie" de POPELIN pour que les piqueros comprennent où ils doivent placer leur instrument.

3°) Abonner EL CORDOBES, DAMASO et quelques autres à "Notre Temps" ou un magazine similaire en Espagne pour qu’ils sachent que l’on peut se livrer à des activités intéressantes à la retraite.

CANDIDE.




DAX ET SA CONCOURS DISPARUE

Extrait de la page taurine de SUD-OUEST Landes du 11 mars 2004 suite à l’envoi d’une lettre ouverte à Monsieur le Maire de DAX par la section locale de l’ANDA :

Mardi soir, il y avait un autre sujet de fâcherie pour Jacques FORTÉ, cette fois indépendant du conseil municipal où il s'agissait de voter les différents tarifs des spectacles taurins pour la saison (…).

La contrariété du maire tenait au fait que le jour même, il avait reçu, comme la presse, une lettre de l'association nationale des aficionados (ANDA), à laquelle il n'avait évidemment pas pu répondre avant d'être sollicité par les journalistes et que de ce fait, il trouvait le procédé cavalier.

Cette lettre de l'ANDA, signée par son président dacquois Jean-François LUQUET, insiste sur le fait " qu'il est dommage de suspendre cette année la corrida concours (et cela) au bout de trois ans alors qu'elle faisait déjà partie du paysage taurin ". L'ANDA rappelle que ce type de corrida "est le meilleur moyen de rappeler (...) comment doit être conduit un tercio de piques normal et une lidia adaptée" et ajoute qu'elle "n'est pas convaincue par les arguments adroitement avancés par Jean-Pierre JUNQUA LAMARQUE (patron de la commission taurine)" lorsqu'il dit que " la corrida concours serait suspendue en 2004 avec un probable retour en 2005". "Nous pensons qu'il s'agit davantage d'une décision municipale que taurine", ajoute Jean-François LUQUET qui poursuit : "La corrida concours a le tort de ne pas afficher le maximum de rentabilité des autres cartels".

Efforts et profits. Il conclut : "Il est bien naturel que la corrida génère des profits. Mais à vouloir gagner le plus d'argent possible sur son dos, on accepte un cortège de comportement qui la vide de son contenu. (...) Dax ne résiste pas mieux à cette tentation que les autres villes taurines de France et d'ailleurs".

A cela, Jacques FORTÉ répondait sèchement mardi soir : "Pour la corrida, j'en fais autant que l'ANDA. D'ailleurs, la ville a reçu le 6 mars dernier à Barcelone, un prix récompensant nos efforts pour pérenniser la corrida. Ensuite, la décision n'est pas municipale. Quand je délègue, je le fais totalement. Enfin, je trouve très désobligeante l'accusation qui est faite à la ville de ne viser que la rentabilité. Ce n'est évidemment pas le but de la commission taurine qui a pris cette année cette décision parce que le bétail faisait défaut. Voilà ce que j'ai à dire à l'ANDA par voie de presse comme elle-même le fait".

Et le courrier, ouvert lui aussi, de Bernard DUSSARAT, illustre électron libre de l’afición dacquoise :

" Nous condamnez-vous donc à la seule présentation de bestioles incapables de supporte plus qu'un ersatz de picotazo (cf. les JPD de septembre dernier) pour faire pâmer les bonnes bourgeoises entichées de gracieuses arabesques "Juliesques" ?

C'est triste, inquiétant pour l'aficion de demain, de se contenter de faenas stéréotypées, sans émotions, sans passion...

Vous me permettrez alors de m'associer au courrier de l'ANDA et de son Président local, un saint homme que l'on devrait canoniser.

Donc, je lis qu'il n'y avait pas de toros présentables cette année ! Est-ce à dire que dans toutes les ganaderias d'Espagne, du Portugal voire de France aucun toro n'était cette année à votre goût ? A qui le ferez-vous croire ? Pas aux Vicois pour sûr, on y revient, qui ont présenté leur programme et donc leur Corrida Concours de Pentecôte, la dernière Pentecôte, je ne l'espère pas...

Donc les Vicois ont, eux, trouvé des toros.

Sauf à considérer qu'ils n'étaient pas assez bien présentés pour Dax, je le conçois volontiers, je m'étonne que, pour le moins, vous n'ayez pas fait cause commune avec eux, les suivant par exemple dans leurs pérégrinations, afin de dégoter 6 ou 7 fiers combattants pour septembre.

De grâce, l'an prochain, demandez-leur les adresses !

Je conclurai ce propos en souhaitant de tout cœur que les FUENTE YMBRO prennent 24 piques...

Espérant à nouveau, qu'un jour, l'avis de quelques aficionados dacquois indépendants et désintéressés soit pris en considération, par exemple comme il est pratiqué à Arles, que la rentabilité ne soit pas le seul guide de votre programmation, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à la certitude de mes sentiments dévoués. "

Bernard DUSSARAT.




L'hiver des corridas remplace le printemps des novilladas.

Au sortir de la corrida d’IBAN, dans le froid piquant qui m'accompagnait à ma voiture rue Saint Rémi, je me mis à penser aux spectateurs qui, les deux jours précédents, avaient sorti un minimum de 39 euros per capita et tous leurs espoirs dans deux spectacles bourrés de vedettes et qui, en sortant, ont du ressentir le frimas jusqu'au plus profond de leurs âmes.

Faut-il que le pouvoir d'achat soit élevé dans notre beau pays ; faut-il que le grand communicateur nîmois soit assez habile pour faire croire à ce "mescladis" flamenco taurin ; faut-il que le transit digestif de l'aficionado soit à ce point rapide qu'il puisse digérer le remplacement de toros par des limaces sans qu'une subite diarrhée l'empêche d'aller aux arènes, pour que l'on remplisse les 5000 places sans coup férir !

La direction des arènes, diplômée en marketing, retiendra de ce cycle hivernal que l'on fait de l'argent avec de l'évènement qui n'a pas la moindre chance de se dérouler comme tel. En effet quel aficionado un tant soit peu au courant de la chose pouvait miser un centime d'euros (39 euros en monnaie de base) à la vue de la publication des carteles définitifs ;

Elle pourra, bien évidemment, avancer que le spectacle remplissant le moins était le dominical avec sa sérieuse corrida de Balthasar.IBAN lidiée par César RINCON, Manuel CABALLERO et Mattias TEJELA. Servant de caution morale auprès le l'afición et de l'éthique, montée le nez pincé et la grimace ostensible, elle aura empêché les organisateurs de clore le cycle en apothéose sur un mano a mano Sébastien CASTELLA/César JIMENEZ caressant 6 "Kivousavè" devant un conclave archi comble, d'avance conquis, d'avance floué.

Que d'argent gaspillé !

Bien sûr des voix se sont élevées, et dans la grand-mère des revues taurines d'aucun se demande où sont passés les représentants de l'afición locale pour laisser faire de tels abus.

L'aficion locale existe bien entendu et notre grand revistero suscité y figure parmi les plus grands ! La question qu'il faut se poser est : Pourquoi ne parvient-elle toujours pas à se structurer ?

Est-ce par individualisme ombrageux ? Par défense héroïque d'un pré carré ? Par refus de l'autre ? Ou peur de la dilution ?

Allons Mesdames, Messieurs, Vous savez que les structures existent depuis bientôt 30 ans, qu'elles manquent de bras et de bonnes volontés pour siéger en commission, apporter de l'eau au moulin de l'afición et infléchir, seulement infléchir la trajectoire infernale qui conduira la tauromachie à sa perte.

Où il y a une volonté, il y a un chemin, dit-on, quelque part ? L’ANDA et quelques autres entretiennent tant bien que mal le chemin.

Jusqu’où et pour combien de temps ? Tel peut-être un sujet de réflexion et d'engagement au sortir de l'hiver !

F.X. NOMAS.




ANALYSES DE CORNES

Pour la troisième saison, l’UVTF et l’AFVT ont procédé à des prélèvements de cornes dans les arènes françaises de 1° catégorie. Les analyses qui sont ensuite effectuées servent d’outil interne qui permet aux villes concernées de mesurer l’importance de la fraude grâce à un indicateur scientifique fiable.

En 2003 pour la première fois, cette procédure n’a pas mis en évidence d’afeitado caractérisé. Ce constat est pourtant en contradiction avec les impressions ressenties ici ou là, depuis les gradins. Comment est-ce possible ? L’aficionado échaudé voit-il le mal partout ? Ou l’indicateur permet-il aux plus habiles de passer entre les mailles du filet ? Sans doute un peu des deux…

Quel est donc le mode opératoire de ces prélèvements et analyses ? Il est normalement défini par l’article 58 du règlement taurin, mais il n’y est pas question de tirage au sort ou de certificat d’arreglado alors qu’ils sont clairement évoqués par les vétérinaires ou par l’UVTF. Sur quel texte s’appuie donc ce protocole ?

Nous avons cherché à nous procurer copie de ce document auprès des maires ou des vétérinaires. Des détails ou précisions ont pu filtrer mais impossible d’avoir un écrit noir sur blanc… Que sait-on ?

Pour chaque corrida (sauf corrida concours), il est prélevé deux paires de cornes par tirage au sort en présence de trois délégués (UVTF, AFVT et vétérinaire de la ville). Il est autorisé de retirer du tirage deux paires au maximum sur déclaration préalable d’arreglado.

En fin de saison, les armures saisies sont analysées en deux temps : méthode officielle du Ministère de l’Intérieur espagnol (longueur du piton inférieure au 1/7eme de la longueur moyenne de la corne) puis méthode des surfaces si le premier test est positif. En procédant de la sorte, l’analyse est irréfutable, il ne peut scientifiquement pas y avoir de ‘faux positifs’, pas d’innocents injustement condamnés. Enfin, pour qu’il y ait afeitado caractérisé (et donc demande de blâme qui entraîne un bannissement de l’élevage des arènes membres de l’UVTF), les deux paires saisies doivent être positives sur les deux cornes. Le pendant de cette indispensable précaution est qu’il y a sans doute la place pour un barbier habile de manipuler des armures sans être détecté, même si cela limite heureusement l’étendue de l’outrage.

Ainsi, à la regrettable exception du certificat d’arreglado, la méthode est digne d’estime et on se demande bien pourquoi il est si difficile d’obtenir le texte qui la définit.

Difficile de savoir quel est le point de discorde entre l’UVTF et l’AFVT qui a abouti à la non-saisie pour la feria pascale arlésienne 2003.

Difficile d’expliquer la frilosité des villes qui gardent confidentiels les résultats complets malgré nos demandes, soit par courrier, soit en CTEM.

Les maires devraient être fiers de cette lutte contre l’afeitado et pourtant, impossible de savoir combien il y a eu de déclarations préalables d’arreglado.

C’est d’autant plus dommageable que M FORTÉ, président sortant de l’UVTF, était tout sourire en déclarant que l’égoïne d’or décernée aux MIURA de Béziers était contredite par les analyses (a contrario ce n’est pas le cas de la râpe d’argent des VICTORIANO de Dax). Pourquoi ne pas communiquer les données qui établissent l’erreur d’appréciation de l’ANDA ? Nous pouvons nous tromper, les MIURA étaient peut-être ‘naturellement’ moches de cornes après tout…

Donc, il n’a été publié qu’un récapitulatif général. Il en ressort que sur 46 corridas expertisables, il n’y en a eu que 39 de prélevées (exit Arles à Pâques et les 3 corridas concours), soient 78 paires de cornes. Les analyses donnent 18 paires non conformes dont 11 sur les deux pointes (soit 14%). Comme il n’y a pas deux paires négatives dans une même course, il est considéré qu’il n’y a pas d’afeitado caractérisé et il n’y aura pas de blâme cette année ¡Youkaïdi Youkaïda !

Visiblement, toutes les villes sont soulagées de ne pas avoir à tester leur solidarité dans le boycott d’un élevage plus couru que les BUENAVISTA de l’an dernier. Pourtant, même avec ces résultats partiels et anonymes, il y a de quoi s’inquiéter.

S’il n’y a pas eu de doublons dans un même lot, cela veut dire que dans 11 courses sur 39, il y avait un toro reconnu afeité sur les deux cornes, soit un pourcentage de 28%. Nul besoin de mauvaise foi pour considérer que ces 28% peuvent correspondre à la réelle part de fraude en arènes de première.

Comme on l’a vu, il est autorisé de retirer du tirage au sort deux paires de cornes en justifiant d’un arreglado. On peut donc passer au travers en présentant un lot de 3+3. Trois toros afeités dont deux avec certificat, et trois naturellement commodes d’armures ou touchés avec parcimonie, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mundillos.

Que les maires publient donc le détail des expertises et notre suspicion volera en éclat ! Car le parallèle avec le dopage dans le sport professionnel est trop tentant. Quand il n’y a presque pas d’athlètes tricheurs attrapés par les contrôles, ce n’est pas que le dopage régresse mais qu’il a, au contraire, pris de l’avance.

Il est dangereux de se satisfaire des résultats ‘vierges’ de 2003, la tricherie et la fraude doivent aussi être combattues avec la transparence et l’information des aficionados. Il en va de la crédibilité de l’UVTF, mais aussi de la corrida.

Marc GÉRISE.

Petit lexique :




L’HUÎTRE ET LES MAESTROS

Ce jour là, GAONA (mexicain) et CAGANCHO (espagnol) toréaient en mano a mano à la monumentale de Mexico. C’était deux amis.

Sort le premier bestiaux pour l’Espagnol, qui n’avait jamais démontré jusque là un courage constant, c’est le moins que l’on puisse dire. Empujón, roulades, boiteries, ecchymoses, donc extrêmement touché, CAGANCHO se fait emporter vers l’infirmerie… et n’en sort plus.

Après la course, son ami Rodolpho prend de ses nouvelles. Il boite mais peut marcher. Il l’invite donc dans un restaurant proche pour manger des huîtres qu’ils adorent tous les deux. Le plateau de fruits de mer arrive et la discussion se poursuit. CAGANCHO s’excuse de l’avoir laissé seul se farcir les 6 cornus. Il est vrai qu’ils étaient retors. Il veut se justifier : "Tu sais, j’étais extrêmement touché, épaules douloureuses, jambes en mauvais état et surtout, je ne sais pas pourquoi, mais je voyais double. Tu comprends donc, qu’avec la meilleure volonté du monde, il m’était impossible de reprendre l’épée".

On parle d’autres choses. Les huîtres sont englouties les unes après les autres. Il en reste une. GAONA s’en saisit et dans le même temps que le geste, dit à son cher face à face "pues cogite la otra" (prends donc l’autre !).

André CHANTEFORT.

Historiette plaisante racontée par un vétérinaire mexicain, travaillant au Costa Rica, beau-frère de Curro Riviera (le grand torero mexicain), dans le musée taurin (formidable) de la plaza de ACHO à Lima (Pérou en novembre 2002).